Dalla Zuanna - Les enfants de la Jeanne
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Avant propos

"Quand tu ne sais plus où tu vas, arrête-toi et regarde d'où tu viens"
proverbe africain.

D'où vient ce puissant désir de recherche sur ses origines familiales qui tend à se répandre aujourd'hui ? Quelle motivation intime sert de ressort à une quête sans fin ? Quel besoin instinctif pousse à connaître et à transmettre ?

On peut multiplier ce genre de questions à l'infini avec tout autant de réponses. Pour ce qui me concerne, je serais tenté de répondre qu'étant né en un lieu bien loin de mes origines géographiques familiales, j'ai ressenti la nécessité de savoir d'où je venais, qui étaient ceux qui m'avaient précédé et surtout dans quel contexte ils avaient vécu. Ce n'est probablement pas un hasard si ce genre de questions prend corps lorsqu'on est à l'automne de sa vie et c'est bien dommage car, avec le temps, bien des sources précieuses qui étaient à portée de notre main ne sont plus là, des portes se sont fermées à jamais. Mais c'est bien dans cette période qui précède l'hiver et l'oubli que l'on prend plus directement conscience de la vanité des choses et de l'importance du temps dans lequel nous nous inscrivons, petit maillon fragile d'une longue chaîne que, par aveuglement prétentieux, nous ignorons. Aldo Naouri, le célèbre pédiatre, dans son livre "Les pères et les mères" va chercher sur des milliers d'années les origines de certains traits de comportement de l'homme d'aujourd'hui et démontre à l'évidence cet héritage lointain provenant en partie des systèmes culturels qui nous ont façonnés. Le temps n'est plus où l'histoire de la famille se transmettait de père en fils d'où, peut-être, ce désir de ne pas la laisser se perdre.

"Le but est dans le chemin" : si cela est juste, à mes yeux, c'est bien dans notre façon d'être tout au long de notre vie, avec ceux qui nous entourent, que nous existons. Cette façon d'être est sous-tendue par des valeurs, souvent non exprimées, qui sont le fondement de notre éducation. Or cet héritage, le seul qui vaille vraiment, nous vient de loin et semble intangible quelles que soient les époques et les circonstances. C'est dire ma joie en lisant dans un livre sur l'histoire d'un village de la vallée, que la famille des "Enfants de la Jeanne" était éminemment respectable, preuve qu'à travers les siècles, les valeurs qui sont encore les nôtres aujourd'hui, avaient bien été transmises de génération en génération. Un axiome aurait pu être représentatif de la façon d'être de mon père et avant lui, peut-être, de toute sa lignée : "La vie de l'homme tient par la droiture, sans droiture, elle ne tient qu'au hasard".

Dans une société qui se cherche et qui, après avoir durant des siècles senti trop lourdement peut-être le poids de l'Eglise, a tout rejeté pour embrasser de nouvelles idoles qui rappellent étrangement "le veau d'or", la recherche de sens paraît primordiale. Notre long cheminement sur le Chemin de St Jacques, avec Marie-Madeleine, mon épouse, s'inscrivait déjà dans cette démarche. Sommes-nous toujours capables dans ce siècle de matérialisme exacerbé de remettre à leur place ces valeurs qui nous ont construits avec cohérence et solidité ? Oui, certes je veux y croire, mais le combat n'est jamais définitivement gagné et, pour ma part, cet effort de recherche y participe.

Alors que j'écris ces quelques lignes, notre petite-fille Isabella dort paisiblement à côté de moi. Née en Espagne d'une mère aux origines franco-italiennes et d'un père allemand, j'ai le sentiment qu'un jour elle aura besoin, elle aussi, de savoir d'où elle vient et que cet ouvrage trouvera quelque intérêt à ses yeux. Je crois à cette "religion" qui, dans son acception étymologique "religare", signifie relier.

Un autre aspect de la question me semble revêtir une certaine importance. La place du respect (encore un mot au relent vieillot) que l'on doit à l'autre. La modestie ne figurant pas au nombre de mes qualités premières, il m'est facile de critiquer la faculté que nous avons parfois de s'attribuer la paternité et la satisfaction d'une réussite quel qu'en soit le domaine. Or, si en soi cela ne me semble pas très grave (surtout si c'est justifié), cette attitude s'accompagne souvent d'une certaine condescendance pour celui ou celle qui semble avoir moins bien réussi.

L'étude de la vie de certains de ceux qui nous ont précédés et qui ont réussi à bâtir des cellules familiales dignes de respect dans des époques épouvantables, et ce très souvent dans le plus complet dénuement, force l'admiration et devrait nous rappeler à plus de modestie. Comment par exemple ne pas être admiratif devant les mémoires écrites par mon propre père et que l'on ne peut lire sans émotion, tant par ce qu'elles relatent, que pour les conditions dans lesquelles elles ont été écrites. Ceci est donc pour moi l'occasion de leur rendre hommage et je regrette aujourd'hui que mes propres parents n'en n'aient pas été les premiers "bénéficiaires".

Voici un extrait de ses mémoires dans l'année 1908 :

 

C'est avec un profond intérêt que je me suis plongé dans cette recherche sous le regard, un peu amusé au début, de Marie-Madeleine. Puis, avec le temps, cette analyse a gagné en intensité car je découvrais progressivement la géographie et l'histoire de la région, de la vallée, et enfin, de mes ancêtres. En bref, un morceau d'histoire de notre humanité ayant en moi un retentissement que je n'aurais pas imaginé. Irais-je jusqu'à dire que j'ai plongé avec enthousiasme, merveille de l'étymologie, puisque enthousiasme vient de "en Théos", avoir Dieu en soi ?

Pour écrire, on se doit de clarifier les idées qui s'entrechoquent dans la tête, ce qui implique un minimum de réflexion, afin qu'une vision cohérente puisse ressortir de la lecture. On doit donc, dans un premier temps connaître les faits, les comprendre dans leur contexte géographique, historique et culturel. Je m'y suis efforcé, non sans difficultés, en espérant y parvenir sans être dupe quant à la difficulté de la tâche pour un enfant d'immigrés n'ayant acquis ses connaissances qu'au long de toute une vie largement occupée par ses obligations professionnelles.

Ecrire la saga d'une famille sur plusieurs siècles au travers d’un arbre généalogique ne me semblait pas de nature à intéresser grand monde, aussi me suis-je tourné, après une présentation géographique et historique, vers un récit précis au niveau des dates, des faits et de la généalogie mais en essayant de l'étoffer par le vécu quotidien de chacun des acteurs chaque fois que cela était possible. La base des métiers, aujourd'hui disparus, est alimentée par des ouvrages découverts ici ou là, au gré des circonstances, et souvent dénichés grâce à de nouveaux amis que je me suis faits et qui, au travers de leur propre passion, comprenaient très bien le sens de ma recherche. Une nouvelle complicité est née dans ces circonstances.

La chance qui, durant toute ma vie, m'a accompagné était encore là. En effet, l'arbre généalogique de notre famille remonte jusqu'en 1350, où l'on trouve trace de Bellenzon le père du premier Antonio qui donnera vie à la branche des Dalla Zuanna aussi bien que des Mocellin. Cette trace a pu être établie avec une rigueur et une précision incroyables par un généalogiste hors du commun, Tibère Gheno. Il a pu notamment me fournir plusieurs dizaines de copies d'actes notariés concernant ma famille dont le plus ancien date du 10 décembre 1418. C'est tout simplement inimaginable pour une famille qui n'a aucune origine aristocratique et qui, de plus, se trouve dans une vallée ravagée à toutes les époques par des guerres où la soldatesque se livrait à la destruction et au pillage. Ces actes notariés, comportant des informations précieuses, riches et précises, furent l'objet d'un travail de bénédictin de sa part et je lui rends un respectueux hommage.

L'accès à tous ces actes a été très aimablement facilité par les Services de l’Archivio di Stato della Provincia di Vicenza, subsidiaro di Bassano dirigés par Monsieur Marcadella. "L'état des âmes" ainsi que des registres de décès furent également des sources précieuses.

Certes, l'histoire d'une vingtaine de générations, sur les 1 500 depuis l'apparition de l'homme de Cro-Magnon (homo sapiens sapiens), c'est peu de chose mais tout de même, cela donne du sens...

Comme un bonheur n'arrive jamais seul, de nombreux livres très documentés sur l'histoire des villages de la vallée ont vu le jour grâce à un intérêt historique évident des habitants actuels de cette vallée et plus particulièrement par un remarquable historien originaire de Valstagna, Don Franco Signori.

Delisio Villa avec plusieurs livres passionnants sur les émigrés a été une source rare, notamment par les témoignages qu'il a pu recueillir.

Des ouvrages plus spécifiques, mais très précieux, comme celui sur l'histoire du Covolo de Butiston, ou sur les zattieri m'ont permis de mieux comprendre l'histoire générale mais également celle plus particulière des aventures impliquant des membres de la famille.

Eugenio Campana, qui vit toujours à San Nazario, et qui lui aussi s'est passionné pour l'histoire de cette vallée, outre les livres qu'il a écrits, m'a fourni de très nombreuses données sur la vallée et sur des faits concernant directement ma famille. Il a par ailleurs été un guide précieux à bien des égards y compris en nous faisant cheminer sur les lieux où ont vécu nos ancêtres tant il est vrai qu'il fallait physiquement connaître cette vallée pour essayer de mieux la comprendre.

Antonio Bonato également a beaucoup écrit et plus particulièrement sur le tabac et les contrebandiers. Mais, outre sa participation à l'écriture de plusieurs ouvrages historiques, il a effectué un remarquable travail de déchiffrage et de traduction de ces actes notariés multiséculaires avec une maestria qui en impose. C'est bien sûr lui aussi un passionné.

On peut juger de l'ampleur de la tâche en consultant des extraits de deux actes datant de 1504 et 1521, l'un lisible pour un homme de l'art, et l'autre qui ressemble à un infâme brouillon !

 

 

 

Pouvais-je, avais-je le droit de ne pas utiliser cette matière première exceptionnelle, d'ordinaire si rare, voire inexistante ? Je ne m'en suis pas senti le droit tant j'avais le sentiment qu'il s'agissait d'un privilège rarissime. J'espère ne pas l'avoir gaspillé.

Il va de soi que ma vision des événements et des situations m'est très personnelle et, qu'au delà des erreurs de compréhension et d'interprétation, je ne voudrais ni choquer, ni blesser personne.

 

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