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La Vénétie : repères historiques

"Sans mémoire, aucun être vivant ne saurait exister, survivre en interaction avec son milieu et s'adapter au changement."
Hervé Ponchelet

Comment prétendre connaître quelqu'un, et a fortiori une lignée sur plusieurs siècles, sans connaître le contexte historique qui a marqué son territoire de vie. La clef historique, même succincte, est indispensable à qui veut appréhender dans un souci de véracité la vie quotidienne des hommes et des femmes dont la situation personnelle était, à leur insu, dictée par des événements dont ils n'avaient, la plupart du temps, même pas connaissance. Que pouvaient en effet connaître, les boscaioli de Solagna ou les boari de San Nazario, des politiques d'expansion de l'Empereur d'Autriche, de la volonté hégémonique de puissance de tel ou tel Pape, des visées du Grand Turc, des stratégies napoléoniennes et même du sens de l'anticipation d'un doge ? Rien, très probablement ! Et pourtant des conséquences heureuses ou terrifiantes allaient se répercuter fortement sur leur vécu quotidien.

Il n'entre pas dans mon intention de réécrire l'histoire de la Vénétie, je n'ai aucune qualité pour le faire, mais, par quelques raccourcis synthétiques, de brosser un tableau général de son évolution. Certes, il s'agit d'une vision qui passe par mes lunettes, et l'on sait bien que chaque paire de lunettes est bien spécifique à celui qui s'en sert...

Je n'ai d'ailleurs, à aucun moment, cherché à masquer ma vision, juste ou fausse, des différents événements historiques.

 

Ier millénaire avant JC : des Vénètes, peuple indo-européen, venus d'Europe du Nord fondent Venise (Vénètes d'Adriatique) et Vannes (Vénètes d'Armorique).

Les Huns avec Attila en 452 ravagent la région et les Vénitiens, de "terrestres" qu'ils étaient, vont se réfugier sur les Iles et vont devenir "maritimes". Cicéron (- 106 - 43 avant JC) disait : " La Vénétie terrestre est la fleur de l'Italie, la parure de la République". Elle était donc bien évidemment attirante pour les barbares.

En 641, les "Lombards" seront attirés à leur tour...

Qui aurait pu se douter alors que ces pauvres réfugiés sur des lagunes insalubres allaient, grâce à leur courage, leur ingéniosité et leur système politique, donner naissance à l'une des plus illustres Républiques de la Chrétienté ! Il faut rappeler que la récolte du sel a beaucoup apporté à Venise car le sel, avec le pain, était le symbole de l'hospitalité, mais surtout au début, son rôle économique fut décisif. Il allait en quelque sorte ouvrir la voie au marché des épices qui feront sa fortune.

Venise sera "vassale" de Byzance mais en réalité très indépendante : "mieux vaut un maître loin que près". Un de mes amis disait assez prosaïquement et non sans humour : les fournisseurs près, les clients loin, jamais l'inverse ! Taine (1828 - 1893) dira dans ses Voyages en Italie : "Pendant treize siècles, nul barbare, nul roi Germain ou Sarrazin ne mettra la main sur elle".

Le système politique connut une forte évolution : fondé sur un "égalitarisme" populaire au début, il allait évoluer vers une forme où le pouvoir du peuple deviendrait l'ombre de son ombre, le doganat prenant de plus en plus de pouvoirs. Le système électoral volontairement très complexe pour contrôler les ambitions personnelles allait évoluer vers un patriciat (deux cents familles). En 1621, vingt-sept familles détiennent le pouvoir.

Les doges n'avaient pas, paradoxalement, un rôle très enviable ; ils furent nombreux à être expulsés, à avoir les yeux crevés ou à être assassinés. Les patriciens étaient souvent d'anciens riches des terres fermes ayant conservé leurs propriétés, les "secrétaires-chevaliers" des bourgeois, les "citoyens" étaient issus des corporations ou confraternités.

A Venise, la noblesse ne naît pas de l'épée et le luxe devient rapidement un symbole de richesse et de gloire...

774, c'est le tour des Francs, Charlemagne s'empare du royaume Lombard.

Puis Pépin, fils de Charlemagne qui va mourir à Milan, va devoir traiter avec le souverain pontife et l'Empereur d'Orient : la Vénétie devient indépendante.

En 828, Venise remplace son saint patron Théodore, Grec qui rappelle un peu trop Byzance, par l'évangéliste Marc. Venise, déjà, recherche la grandeur et un évangéliste pour saint patron, voilà qui va servir sa volonté. Sa dépouille, dérobée à Alexandrie, sera dissimulée sous des carcasses de porc pour décourager les gabelous égyptiens. En 1100, les Vénitiens récidivent avec les reliques de St Etienne qui étaient à Constantinople et celles de St Nicolas en Syrie.

Au cours des années 900, on voit les Hongrois, héritiers des Huns, ravager la Vénétie et la vallée du Brenta (899), mais Venise les chasse en 900. La République assure par son système électif un management humaniste de ses nombreux artisans. Cependant, le commerce des esclaves démontre une certaine absence de scrupules qui caractérise un "Etat marchand". On ira jusqu'à dire que l'Etat est une vaste entreprise commerciale et que le bénéfice est son seul idéal. Toutes les entreprises vont rivaliser d'ingéniosité et, dans le domaine de la construction navale, Venise va atteindre un niveau unique à l'époque, en mettant au point un système de construction des navires par "tranches", ce qui augmentera notablement la productivité (hello Mister Ford !).

Ceci démontre, s'il en était besoin, l'intérêt majeur à libérer la créativité avec la liberté d'entreprendre...

 

De l'an 1000 à 1200, ce sont les Normands qui viendront attaquer la région et simultanément avec leur défaite, Venise va progressivement se libérer de Byzance et devenir la puissance hégémonique de la Méditerranée. Gènes et Pise seront cependant toujours de redoutables rivales.

1204 : prise de Constantinople (c'est la prise de pouvoir d'un Empire latin sur les ruines de l'Empire grec -Byzance-) par les armées de la quatrième croisade, financée par la destruction de Zara, la chrétienne (en Dalmatie), avec un atroce pillage de la ville par la coalition Français-Vénitiens. Le Doge E. Dandolo, qui en fut l'organisateur, en sera excommunié ! Il faut dire que Constantinople ne sera pas épargnée non plus.

1295 : Marco Polo revient à Venise après vingt-quatre ans de voyage, il ramènera entre autres dans sa "besace" une invention chinoise : la poudre, qui au cours des siècles à venir allait, dans sa propre région, alimenter de terribles machines à tuer (Monte Grappa).

1308 : Venise se dresse contre le Pape Clément V en Avignon. 1330 : avant la peste, Venise compte 300 000 habitants, Paris et Londres 30 000.

 

En 1348, c'est la peste noire apportée d'Orient par les galères génoises, l'Italie y perdra un tiers de sa population (le Decameron de Boccace en fait mention). Cette peste va déclencher une vague brutale d'antisémitisme en Europe. Les Juifs sont accusés de boire le sang des enfants, de colporter les maladies, d´empoisonner les puits et autres vétilles du même ordre.

La guerre de Cent Ans va déchirer l'Europe et les faillites bancaires se multiplient avec des débiteurs très importants devenus insolvables. Durant les XIII et XIV èmes siècles, les conflits locaux dominent la scène. Les Carraresi de Padoue, les Scaligeri de Vérone, les Visconti de Milan, etc... se disputent la suprématie territoriale. Alliances et retournements d'alliances se succèdent.

1380 : la flotte génoise, alliée avec Padoue et les Hongrois, est détruite par les Vénitiens à Chioggia, marquant la fin de la guerre dite "de Chioggia".

Le 10 juin 1404, Catherine de Médicis (évidemment pas l'épouse d'Henri II qui fût mère de trois rois de France), veuve de Gian Galeazzo Visconti, cède Bassano à Venise qui lui apporte son alliance contre les Carrara de Padoue qui entendent bien profiter de sa disparition. C'est la fin d'une grande période de turbulences, Bassano restera dans le giron de Venise jusqu'en 1797. Le peuple soupire, mais... les taxes augmentent. De plus, le mode de gestion aristocratique de Venise va influer sur le fonctionnement plus démocratique des villes du Veneto.

1423 : Venise c'est : 3 000 navires, 300 compagnies de navigation avec 800 hommes, 45 galères avec 11 000 marins, 3 000 constructeurs et 3 000 calfats et... 20% de bénéfice sur tout l'export. Deux conceptions politiques vont s'affronter : le Doge Mocenigo qui veut concentrer ses moyens sur la mer et Foscari, qui lui succède en 1426, se tourne vers la terre ferme avec toutes les guerres qui vont s'en suivre. C'est aussi à Venise la fin de "l'Arrenzo" qui représentait le peuple dans le pouvoir politique.

L'Adriatique est un lac vénitien alors que le Duché d'origine était composé de Venise, Vérone, Padoue et Trévise. Venise est au sommet mais les Turcs momentanément freinés par Tamerlan avancent... Avec l'ouverture de nouvelles voies maritimes, son économie va être impactée très fortement : le prix d'achat en Inde, avec transport par caravanes et bateaux vénitiens, conduit à un prix multiplié par trente alors que par le Portugal il est multiplié par dix.

Venise, avec Aldo Manuce est devenue la capitale de l'impri merie (caractères italiques, in octavo, première presse ...).

C´est aussi à Venise, en avril 1492, qu´Alvise Foscarini met au point le premier système monétaire international avec une monnaie ayant sur l´avers le lion de Saint Marc et au revers le Saint protecteur local, Ephèse, Chypre, Rhodes… Il préfigure, cinq siècles avant, la naissance de l´euro.

Mort du premier Sforza en 1466 et visées de Venise sur le Milanais qui conduira en 1499 à une alliance avec le Roi de France, Louis XII.

 

Le XV ème siècle sera un siècle charnière pour le monde entier. La chute de Constantinople (1453), la prise de Grenade (1492) par les rois catholiques qui marque la fin de la reconquista et la découverte de l'Amérique, vont conduire à un basculement des pôles traditionnels et Venise va progressivement, au cours des siècles à venir, perdre sa prééminence. L'islam des Turcs va remplacer le christianisme des Grecs et personne ne voudra s'allier avec Venise soumise devant les Ottomans.

Savonarole prêche, dans le désert, un retour à la pureté... ce qui lui vaudra le bûcher. On peut le comprendre lorsqu´on sait que le Pape Sixte IV (Francesco della Rovere), dans un contexte de luxe, de débauche, d'intrigues et de corruption, n'élèvera pas moins de six de ses neveux à la pourpre cardinalice... sainte famille ! C'est aussi la naissance de la Réforme, précédée par Jan Hus (lui aussi ayant fini sur le bûcher), avec Luther suivi par Calvin, qui va obliger la grande Eglise Catholique à se remettre en cause.

Le poids de l'Eglise est considérable, le sacré donne du sens à la mort et, par là même, à la vie, le rituel est prégnant. Ces mouvements, schismes ou hérésies, avaient eu des précédents en France, quelques siècles avant, avec les Vaudois suivis des Cathares qui s'élevaient déjà contre les turpitudes de certains hommes d'Eglise. Ne serait-ce pas plus judicieux de donner aux pauvres qu'à Rome se disaient les Vaudois ? D'où des réactions assez vives de l'Eglise comme en témoigne "lou prat des cramats" à Montségur, il est vrai que les "parfaits" ne l'étaient peut-être pas tant que ça.

Le passage de la comète en 1456 réveille les peurs mystiques, les superstitions. Les prophéties font florès, le culte des reliques et des pèlerinages est fort. Ironie des temps, alors que les ordres mendiants, bénédictins, franciscains et dominicains sont puissants, c'est le plus corrompu des papes, Rodrigue Borgia, qui accède au pouvoir suprême.

En 1486, après avoir chassé les juifs de Vicenza, sera créé le Mont de Piété (chez ma tante) sur la place des Seigneurs. Signe des temps, il occupera un espace considérable afin de se substituer aux usuriers. Le prêt sur gages étant admis par la religion chrétienne contrairement au prêt contre intérêts.

La faiblesse politique de la péninsule face aux grandes monarchies d'Europe est en contraste saisissant avec l'extraordinaire dynamisme intellectuel et surtout artistique (mort de Laurent le Magnifique, "Prince de la Renaissance", en 1492). En 1450, Mantegna signe le début de la Renaissance dans le Nord de l'Italie avec l'apparition de la perspective. Cette transition de la Renaissance marque la fin d'une époque où les hommes étaient courbés sous le regard de Dieu pour, à travers la redécouverte de l'antiquité classique, aller vers plus de liberté notamment dans l'art et la création.

 

L'Italie quitte le champ des affrontements territoriaux pour entrer dans le cadre des guerres entre les grandes puissances européennes et ces guerres seront ruineuses...

En 1508, c'est la fondation de la ligue de Cambrai par les plus grands princes chrétiens, à l'instigation du Pape Jules II (Giulio della Rovere), qui visent à abattre la puissante et orgueilleuse Venise.

Elle est composée de Maximilien d'Autriche, de Louis XII, du roi d'Espagne, du roi d'Angleterre, du Pape Jules II, du Duc de Savoie, du Duc de Ferrare et du Marquis de Mantoue. Vérone, Vicenza et Padoue sont avec la coalition et Trévise avec Venise.

A l'aube du XVI ème siècle, l'Italie est prospère et suscite bien des convoitises. Sa structure en Etats territoriaux, souvent opposés entre eux, ne lui permettra pas de résister durablement à l'appétit de ses puissants voisins. Seule la Vénétie va résister non sans quelques épisodes douloureux (troupes vénitiennes écrasées à Agnadello en 1509 par les troupes de la Ligue de Cambrai, Louis XII s'est appuyé sur Bayard).

Quatre géants vont marquer le début de ce siècle : Henry VIII, François I er, Charles Quint (dont on disait que "dans les plaisirs de Vénus, il s'était montré d'une volonté sans faille") et Soliman le magnifique.

Dans la péninsule, ce sont d'autres gloires qui émergent.

Le grand architecte Andrea Palladio va couvrir la Vénétie d'œuvres superbes. C'est aussi l'époque du Titien, du Tintoret. Entre 1508 et 1512, Michel Ange peint la Chapelle Sixtine.

1510 : Bassano passe successivement aux mains des Français, à celles des Vénitiens... puis à celles des Espagnols. En octobre 1511, le Pape qui trouve la présence française trop envahissante va retourner les alliances avec la création de la Sainte Ligue et on trouvera ainsi les "divisions du Vatican", comme le dira Staline plus tard, aux côtés des Vénitiens. La Sainte Ligue, qui rassemble Jules II, Ferdinand d'Espagne et Henry VIII, s'allie donc à Venise pour chasser les Français.

En septembre 1515, succédant à Louis XII, François I er, allié aux Vénitiens, écrase les Suisses à la solde des Lombards à Marignan. Avec l'accord de Maximilien, il deviendra Duc de Milan.

Clin d'œil de l'histoire, le commandant de l'artillerie française, Galiot de Genouillac, va jouer un rôle majeur dans cette célèbre bataille aux côtés de Bayard. Son hôtel particulier de Figeac, après avoir été propriété de la famille Latapie de Balaguier (dernier propriétaire Mathilde de Latapie, marraine de Mathilde Larigaldie), appartint à Jules Larigaldie, grand-père de Marie-Madeleine.

1520 : Magellan fait le tour du monde avec Antonio Pigafetta, fin lettré chargé d'écrire l'histoire de ce fabuleux voyage ; on trouve à Vicenza de magnifiques demeures ayant appartenu à sa famille dont celle de Matteo avec sa devise "il n'est rose sans espine". Il ouvre de nouvelles voies maritimes qui vont sérieusement remettre en cause l'hégémonie maritime des Vénitiens sur un plan commercial, voyage dont il ne reviendra pas.

Si la République de St Marc, qui est le plus puissant et le plus riche des Etats italiens, se sort assez bien de ces conflits européens, il n'en va pas de même avec les Ottomans et, malgré la victoire de Lépante (1571), elle devra renoncer à sa domination maritime et se réorienter vers la Vénétie terrestre. Lépante sera une victoire à la Pyrrhus !

Conjointement à cette prospérité, on note un certain archaïsme économique dans les parties montagneuses avec des famines endémiques.

Le Concile de Trente (1545-1563) mettra un terme à bien des "disfonctionnements" dans l'Eglise Catholique (luxure au Vatican en 1501, Alexandre VI Borgia, le simoniaque, avec sa tentaculaire famille ; en 1513, vente d'indulgences par le Pape Jules II pour construire la Basilique de St Pierre à Rome -e tanti altri). La contre-réforme, aura pour avantage annexe mais combien important, de donner naissance à un style nouveau : l'art baroque si bien représenté en Savoie (où l'on magnifie notamment la présence des anges rejetés par les protestants, etc...). En 1557, le dimanche des Rameaux, plus de 10 000 livres seront brûlés en place publique à Venise. Tout écart par rapport au dogme sera sévèrement sanc tionné, comme le constateront à leurs dépens Giordano Bruno (brûlé comme hérétique en 1600) et Galileo Galilei qui dût abjurer sa doctrine devant le Saint Office en 1633. Véronèse devra faire disparaître un chien figurant sur "La Cène" par injonction de l'inquisition !

 

Palais Pigafetta à Vicenza: "Il n’est rose sans espine"

Palais Pigafetta à Vicenza : Il n’est rose sans espine

 

 

Au XVII ème siècle, Venise s'épuisera dans d'interminables conflits avec les Habsbourg et devra user de sa seule arme contre les Turcs : la diplomatie. Elle sera longtemps considérée comme la catin des Turcs...

En 1645, les Turcs mettent le pied en Crête ; c'est le début de la fin qui verra la chute de Candie (port d'Héraklion), en 1699, après une guerre ruineuse en hommes et en finances. Déclin économique et politique accompagnant un déclin moral vont mettre la Sérénissime en position de faiblesse devant Vienne. De grands débiteurs, comme les rois de France et d'Espagne qui ne règlent pas leurs dettes, vont accélérer la crise.

L'autorité de l'Eglise était pesante et sa position de premier propriétaire foncier gênait la volonté de puissance des divers souverains. Rome était donc en conflit avec Venise qu'elle suspectait, en plus, de tolérance coupable envers l'esprit de la Réforme. A noter pour mémoire que la révocation de l'Edit de Nantes (1685) en France va jeter sur les chemins de l'exil 200 à 300 000 protestants.

On constate, à cette époque, un contraste saisissant entre la vie fastueuse de l'aristocratie et la misère populaire (Venise sera durant tout le siècle la capitale de l'opéra).

Les épidémies de peste vont faire des ravages inouïs. La grande peste de 1630/1632 conduira les huit plus grandes villes de la Vénétie à perdre 42% de leur population ! La peste est mal soignée car, entre autres, on recherche surtout des "boucs émissaires" et que, par exemple, les grandes processions censées écarter le mal semblent, avec un regard actuel, être une terrible occasion de propagation du fléau. Il est d'usage à Venise, lors des pestes, de sonner la Marangona, célèbre cloche de St Marc.

 

Le XVIII ème siècle marque une nouvelle évolution, alors que les arts brillent de multiples feux : Tiepolo, Canaletto, Guardi, Goldoni, Vivaldi (il écrit les "Quatre Saisons" en 1724), Lombardi, Sansovino, etc... que les Vénitiens s'encanaillent au carnaval (qui dure environ deux mois), le bas peuple se nourrit surtout de polenta (le blé est réservé aux propriétaires) et attrape la pellagre, les métayers deviennent salariés.

 

Vivaldi, Le Quattro Stagioni : Concerto No. 1 La Primavera. Allegro

 

Heureusement, le secteur manufacturier résiste et se développe (textile, artisanat de luxe comme le travail de l'or à Vicenza, l'orfèvrerie, le bronze, la verrerie, le travail du cuir, les faïences, l'industrie du papier, la dentelle, etc...).

A propos du travail de l'or à Vicenza, on peut constater que toute cette région était depuis fort longtemps très connue pour la qualité de son orfèvrerie. En 1213, il y a déjà une école de bijouterie à Venise et, en 1262, on note la présence de bijoutiers dans une foire à Vicenza où, en 1352, sera créée une confrérie de bijoutiers. Certains Juifs, en 1486, furent encore, exceptionnellement autorisés à vendre, en liquidation, de l'orfèvrerie mais seulement pendant les heures où luisait le soleil et sur un éventaire en place publique ; oserait-on dire, selon l'expression, que l'on se méfiait d'eux comme de la peste ?

La bijouterie fera l'objet d'une intense activité également à Bassano où l'on note l'existence de trente-quatre ateliers/boutiques en 1768 et une confrérie qui trouvera son autonomie le 18 septembre 1776 en se séparant de Trévise et Feltre. Le respect des règles d'équité (titres, poids...) étant fondamental, le Maire de Bassano prendra une ordonnance le 15 janvier 1777 sur le sujet qui, outre les moyens habituels de communication, sera lue chaque

1er dimanche du mois pendant la messe solennelle ! Bassano ira jusqu'à avoir presque autant d'entreprises que Vicenza et la région toute entière prendra au cours des siècles une importance de premier plan dans la production de la péninsule qui, au cours du XX ème siècle, atteindra le premier rang des producteurs mondiaux.

Mais, reprenons le fil de l'Histoire. Les traités d'Utrecht (1713/1715) qui mettent fin à la guerre de succession d'Espagne après le décès de Charles II, dernier Habsbourg d'Espagne, ne seront pas sans conséquences pour la région. En effet, si Philippe V (petit fils de Louis XIV) monte sur le trône d'Espagne, c'est Charles VI, empereur germanique qui hérite entre autres du Milanais (voir la pièce en argent dans notre petite vitrine chinoise du séjour provenant du naufrage du bateau de "Paul et Virginie" !).

La liberté de mœurs masque une décadence bien réelle de la "Dominante"... On ne peut s'empêcher de penser à la déliquescence du dernier rameau d'un vieil arbre qui a déjà tout donné !

Le luxe qui était un signe devient un but... et Venise n'est plus marchande que de volupté !

L'étau autrichien se resserre, alors que quelques grandes familles vénitiennes se replient sur leurs privilèges. De nouvelles idées émergent : charges fiscales pour tous, l'enseignement assuré par l'Eglise passe en partie à l'Etat... (l'Italie est composée à 80% d'analphabètes). L'influence de Marie-Thérèse d'Autriche se fait sentir et la Révolution française fait réfléchir. On va rapidement faire la différence entre ceux qui veulent tout changer et ceux qui veulent tout renverser.

Bonaparte, dans sa première campagne d'Italie, décide de suivre la plaine du Pô et de prendre Vienne en remontant les Alpes par la Vénétie. Il écrase au passage les troupes de Victor Amédée III, qui est alors contraint de céder Nice et la Savoie à la France, en mai 1796. La vallée du Brenta va connaître à nouveau les horreurs de la guerre et à la suite du massacre de soldats français à Vérone, Bonaparte va abolir la République de Venise et, par le traité de Campoformio en Octobre 1797, la livrer à la domination autrichienne.

Le Directoire encourage le pillage des œuvres d'art dans la péninsule et l'on peut citer ce bon mot : à Bonaparte qui disait "les Italiens, tous des voleurs", il aurait été répondu "Tutti no, ma Buona Parte si". Certains, ultérieurement, auraient parlé du "vol de l'aigle".

Au printemps 1799, la guerre reprend entre la France et la coalition (Autriche, Russie, Angleterre, etc...) et Bassano aura le triste privilège d'héberger 2 000 cosaques à cheval.

 

L'entrée dans le XIX ème siècle se fera au son du canon et les troupes de Napoléon vont mettre à sac la région.

Les premières années du siècle seront pour le moins agitées par les affrontements militaires mais aussi par le choc des idées, après les "ferments" véhiculés par la franc-maçonnerie, il y aura ceux de la charbonnerie qui prêteront serment "sur l'honneur et sur le fer" pour l'indépendance de l'Italie... On voit émerger un mouvement qui deviendra le Risorgimento et conduira à la naissance du royaume d'Italie en 1861. Se succèderont dans le cadre de l'Empire : la République et la Royauté.

En 1815, suite à la campagne de Napoléon en Russie et le désastre de Waterloo, le Congrès de Vienne réorganise l'Europe après la seconde abdication de Napoléon. La Vénétie se retrouve à nouveau sous la domination autrichienne des Habsbourg.

Jusqu'en 1866, la Vénétie verra son clergé chargé de nombreuses responsabilités administratives et scolaires. En qualité de fonctionnaires d'état, les prêtres devront prêter serment de fidélité à l'Empereur.

Durant 50 ans, la situation de la péninsule sera confuse, heurtée, faite d'insurrections (1848) et de répressions, de complots, de courants souterrains qui conduiront finalement à l'Unité Italienne que la Vénétie rejoindra le 4 octobre 1866 (six ans après le rattachement de la Savoie à la France). La violence des combats en 1859 entre les troupes de Napoléon III et celles de François-Joseph à Solferino, au sud du lac de Garde, sera telle qu'elle donnera lieu à la création de la Croix Rouge (Napoléon III avait, dit on, allumé sa lanterne au soleil d'Austerlitz !).

Après avoir signé la paix de Villafranca, Napoléon III laissera la Vénétie sous la férule autrichienne pour la plus grande fureur de Cavour. Pendant ce temps, la Prusse massait 20 000 hommes sur le Rhin : de quoi mobiliser l'attention de l'Empereur et... de ses armées.

L'accouchement ne sera pas sans douleurs et, contrairement à ce que disait Charles-Albert, le 23 mars 1848, "l'Italia farà da se", toute l'Europe sera impliquée. C'est l'époque du "Risorgimento" avec Mazzini, Garibaldi, l'arrivée de Cavour, alors que le Chancelier autrichien Metternich est hostile à tout mouvement pouvant conduire à une perte d'influence de l'Autriche.

Or, la présence de l'Autriche en Italie, en retardant son unité, retarde aussi considérablement son essor économique par la pression multipliée de taxes, droits, règles, etc... ne permettant pas la création d'un grand marché national indispensable pour la petite industrie manufacturière qui se développe en Vénétie. C'est la défaite de l'armée autrichienne à Sadowa contre les Prussiens de Bismarck, en juillet 1866, qui va permettre à la Vénétie d'être finalement libérée.

Les arts n'étaient pas absents en cette période agitée, comment ne pas citer Antonio Canova, le célèbre sculpteur de Possagno (à 15 km de Bassano), dont certaines œuvres iront embellir le Palazzo Pitti de Florence, capitale des arts, le Louvre, le V&A Muséum de Londres... Verdi compose "la Traviata" en 1853. C'est aussi Donizetti, Rossini, les poètes Carducci, Leopardi...

1861 : l'Italie fait son apparition sur la scène européenne mais il faudra beaucoup de temps, d'efforts et de souffrances pour réunir sept langues, sept armées, sept systèmes judiciaires, etc...

Après avoir été "une simple expression géographique" selon le mot de Metternich, l'Italie était faite. Restait, selon une belle formule de Massimo d'Azeglio, "à faire les Italiens"... ce qui semble encore partiellement, du moins à ce jour, un problème récurrent.

En 1867, Karl Marx écrit "Le Capital". Un nouveau chapitre de l'histoire du monde allait ouvrir des pages tachées de sang.

Un drame mondial unique à notre époque se noue dès cette fin de siècle : l'émigration. En 1861, l'Italie compte 26 millions d'habitants et durant un peu plus des cent ans qui suivent, le pays va se "vider" de 29 millions d'émigrants, plus que sa population d'origine !

Comment expliquer ce nouvel "Exode" ? Quelques clés nous sont données par Deliso Villa dans son livre "L'emigrazione italiana". En 1861, 70% des Italiens sont des paysans avec un système agricole archaïque et assez concentré dans les mains de quelques possédants peu ouverts à la modernisation. Le droit de vote est limité à 600 000 électeurs disposant des moyens financiers nécessaires. Il faudra attendre 1882, pour que ce pouvoir se "dilue" à 2 000 000. Nul n'est préparé à la gestion de ce pays qui vient de naître (Cavour meurt malheureusement cette année-là). L'ennemi n'est plus l'Autriche mais la misère, l'ignorance et l'émigration. S'il n'est pas possible de détruire la souffrance, du moins, devrait-il être possible de détruire la misère !

 

Vénus et Adonis de Canova (détail)
Vénus et Adonis de Canova

 

Comment ce terrible phénomène, passé longtemps sous silence, a-t-il pu perdurer ? Une citation éclaire cette situation : "Un robinet qui perd pendant plusieurs années et que personne ne répare, signifie que la matière perdue n'a pas d'importance". Terrible robinet qui allait laisser "fuir" 29 millions de miséreux à travers le monde sans aucune aide et qui plus est, souvent en proie aux trafiquants de chair humaine. Les plus fortes vagues initiales viennent du Sud où la société semble pétrifiée. A noter, comme exemple terrifiant, une taxe pour pouvoir se marier et se protéger de la concupiscence des supérieurs... Taxe baptisée "diritto di prima notte" (Jus primae noctis).

On dit que les pauvres n'ont pas d'histoire, mais l'Histoire c'est eux qui la font.

Le dicton bien connu "les banquiers ne prêtent qu'aux riches" n'est pas nouveau et les pauvres ne pouvaient s'adresser qu'à des usuriers qui les chargeaient de taux de 40%, voire dans certains cas 100%. La spirale devenait alors infernale... Il suffisait de deux années noires ! Les paysans, issus d'un moyen âge archaïque, étaient habitués à la soumission mais dans un tel système de société il ne leur restait plus qu'à fuir vers l'inconnu. Ils ne partaient pas en conquérants mais avec l'espoir de construire une société plus juste, recherchant un espace pour vivre et construire un nouvel avenir. Les routes de l'exil se remplissaient de pauvres hères et les bateaux qui avaient servi au transport des esclaves allaient servir au transport des émigrés qui, dans certains cas (au Brésil), durent remplacer les esclaves affranchis ! Le Brésil fut le dernier pays d'Amérique latine à abolir l'esclavage en 1888. Certains voyages durèrent plus que celui de Christophe Colomb quatre siècles plus tôt !

Ils sont nombreux ceux qui vont dissoudre dans l'alcool leurs espérances perdues car cette Italie toute neuve n'a pas résolu leurs problèmes. La religion leur ayant appris l'autorité et l'obéissance, ils doivent après avoir tant écouté, apprendre à s'exprimer et à regarder plus loin vers l'horizon. Pour ceux qui sont bracciante, c'est-à-dire, ouvriers agricoles qu'on appelle "journaliers", il est clair que ce nouvel horizon change brutalement toute leur vision antérieure...

Les catastrophes bancaires de 1893 et les aventureuses expéditions colonialistes en Erythrée n'arrangent pas les choses. Si l'art des pauvres consiste à vivre avec pas grand chose, alors l'époque était propice à ces malheureux "artistes".

La fin du siècle voit naître une première vague d'émigration de la Vénétie vers le nouveau monde, la France (sans oublier les marais pontins dans le Sud où la malaria va accomplir des ravages). La malaria tue 40 000 personnes par an, la pellagre 100 000 et le choléra 55 000, dont beaucoup de petites "croix blanches" (enfants en dessous de cinq ans).

Le gouvernement de Crispi s'est allié à Bismarck créant un ressentiment international hostile envers les Italiens et les vagues successives de migration vont rencontrer de sérieux problèmes d'intégration comme en témoignent des événements graves. A Aigues Mortes, le 16 août 1893, on estime à 50 le nombre de victimes italiennes, plus 150 blessés suite à des conflits salariaux locaux dans les salines, (on parle même d'enfants empalés) ; cela se reproduit à Zurich en 1896 et à la Nouvelle Orléans avec chaque fois des violences voire des lynchages car les émigrés italiens qui ont la faim au ventre sont quelquefois utilisés par des employeurs locaux pour freiner ou même casser des mouvements sociaux à des périodes durant lesquelles les rapports dans le monde du travail sont très durs.

Par ailleurs, particulièrement aux USA, les Italiens amènent la Mafia et autres groupes du même genre dans leurs bagages. On comprend aisément que cela déplaise profondément aux habitants du cru.

On pourrait aussi évoquer les enfants que les émigrés n'avaient pas le droit d'avoir en Suisse. En cas de naissance, trois solutions dramatiques s'offraient à eux :

- Soit rapporter les enfants dans la famille, souvent les grands parents, restée au pays. Il arrivait alors qu'après plusieurs années les parents qui revoyaient enfin leurs propres enfants étaient désespérés par les réactions de ces petits, effrayés en voyant venir vers eux ces inconnus.

- Soit les jeunes mamans s'enduisaient les seins d'huile de camphre pour repousser l'enfant du sein maternel ou bandaient leurs seins afin de couper la montée de lait et arriver ainsi au même résultat. Ainsi, pouvaient-elles "confier" leurs enfants, affamés et affaiblis à des orphelinats.

- Une autre solution consistait à les cacher et l'on peut citer le cas d'une petite Lucie (étymologie = lumière) qui est sortie la première fois de son logement à l'âge de treize ans...

Il dut y en avoir beaucoup de ces soirées nostalgiques où l'on chantait les vieilles chansons du pays lointain et où l'on buvait aussi entre amis, mais quand on a le dos au mur, il ne reste qu'une solution : aller de l'avant.

 

La montanara: Coro della S.A.T

 

L'anarchie naît du désespoir de voir que les structures, qui devraient permettre à l'homme de s'épanouir, l'avilissent ; d'autres idéologies aussi funestes lui succèderont. En 1898, Elisabeth de Bavière, la célèbre Sissi, épouse de François-Joseph, sera assassinée à Genève par un anarchiste, (il en est de même du Président français Sadi Carnot et du Roi d'Italie Humbert I er), des temps terribles se préparent pour le siècle qui vient.

 

Le XX ème siècle commence avec des apparences trompeuses. Légèreté et gaieté en surface (la belle époque à Paris) pendant que les forces du chaos se tissent en profondeur.

Le choc d'un monde rural antique avec un capitalisme émergent va créer, par la révolution industrielle, de nouvelles classes sociales qui ne resteront pas longtemps passives. Thiers disait "La vile multitude, ces classes dangereuses".

L'Eglise qui a été un brin possessive, est quelquefois violemment mise en cause et les paysans qui vont à la messe, aux yeux des "évolués", apparaissent comme des créatures qui ne se sont pas débarrassées de leurs mythes et de leurs peurs ancestrales.

Le tableau noir ?
Le début du siècle est marqué par le génocide arménien et se terminera par le génocide rwandais. Deux guerres mondiales vont ravager la planète et laisser des pays exsangues pour des décennies. On n'ose parler des "conflits locaux" : du Viet-Nam, à l'Afrique, à la Corée, à l'ex-Yougoslavie, au Cambodge, aux guerres coloniales, etc...

Deux idéologies funestes vont s'affronter avec pour bilan des millions et des millions de morts, je veux bien sûr parler du communisme et du nazisme. L'effrayante dépression économique des années 30... La pollution de notre planète...

Au début du XXI ème siècle, un enfant pakistanais dispose pour vivre de sept fois moins qu'un chien parisien et le magot des trois individus les plus riches du monde égale ce dont disposent pour "vivre", un milliard d'êtres humains. Le surpoids touche 1,4 milliard d'habitants de notre planète alors qu'il y en a 800 millions souffrant de la faim !

Comme l'a dit un philosophe : pour changer le Monde, il ne faut pas changer les Institutions, il faut changer l'Homme. Vaste programme, comme aurait dit le Général de Gaulle.

Bref, refermons vite cette page.

Le tableau rose ? Le développement des droits de l'homme et... de la femme !

L'homme monte dans une voiture automobile, puis dans un avion, puis dans une fusée et ira même sur la lune.

L'explosion de la connaissance scientifique dans tous les domaines : la médecine (l'allongement de la durée de vie), la génétique, l'énergie, l'infiniment grand et l'infiniment petit. La facilité de communication, l'élévation considérable (bien mal partagée) du niveau de vie, la quasi disparition des famines de masse, l'accès à la connaissance de plus en plus ouvert, la rencontre entre des populations appartenant à d'autres races, cultures ou religions...

Mais que de points d'interrogation. Sur l'énergie, sur l'utilisation de la médecine et de la génétique, sur l'état de la planète que nous allons laisser à nos descendants et bien d'autres. Un maître mot : l'accélération, qui laisse nombre d'entre nous sans repères dans un monde où le matérialisme vient boucher les vides laissés par la morale, la philosophie et la religion qui semblent être dilués dans une fuite éperdue en avant.

Et la Vénétie dans tout çà ?

Elle est partie prenante dans la tourmente : le 24 octobre 1917, à Caporetto, l'armée allemande va faire 293 000 prisonniers italiens et le Général Cadorna devra relever le défi de reformer une armée victorieuse. Bassano est dans l'œil du cyclone ! Le 15 juin 1918, on compte sur le massif du Grappa, 60 divisions autrichiennes avec 7 000 canons et l'armée du Brenta les repoussera de justesse. Les combats seront acharnés (le mot est dramatiquement juste). On y trouve les tombes de 12 615 Italiens et 10 295 Autrichiens.

Mussolini commence à émerger. Emeutes anti-bolcheviks, ligues socialistes, avènement du fascisme : tout contribue à créer une atmosphère détestable.

L'émigration fait un bond incroyable car les désastres de la guerre et la misère poussent les habitants à partir n'ayant plus grand chose à perdre : "ils emportaient pour tout bagage leurs seules espérances d'un meilleur futur". Certains partirent en catimini, à l'aube, pour des destinations inconnues en ne laissant pas plus de traces qu'un trou dans l'eau. Etrange période où cohabitaient : égoïsme et solidarité, peur et espérance. "L'île des larmes", Elis Island à New York, en a vu passer tellement de ces malheureux...

Mais c'était une époque où les larmes séchaient vite.

Il est particulièrement intéressant de noter qu'en Vénétie la transition économique s'est faite sans révolution sociale. Les habitants de cette région ont toujours été très attachés à leur culture, à leurs coutumes et à leur mode de vie. Ils sont par nature pacifiques et travailleurs, concrets et attachés à leur vie religieuse. Devant la misère terrible qui les frappe, ils vont partir en masse vers de nouveaux horizons, ce qui va réduire d'autant la pression sociale. Mais quelques visionnaires qui sentent venir l'industrialisation concentrationnaire, avec l'accélération de l'urbanisation, décident de construire des "usines" à la campagne (cf. A. Allais) ou plutôt des ateliers, en visant le développement par les petites et moyennes entreprises ayant un fort enracinement familial. Souplesse, créativité, adaptation marquent encore, fort heureusement cette mentalité dans un univers de PME. Ceci explique, en partie, le haut niveau économique actuel dans une grande diversification. Si "la liberté est le fondement du libéralisme", on peut penser que ce souffle libéral a parcouru la région. On connaît en France ce qu'il est advenu des bassins d'emploi fortement concentrés et spécialisés dans la sidérurgie ou le textile. Certains avaient compris instinctivement que les classes laborieuses pouvaient devenir des classes dangereuses.

En septembre 1944, nouvel assaut allemand sur le Monte Grappa, comme si au cours de la première guerre il n'avait pas assez fait le plein de sang.

Progressivement, la deuxième moitié du siècle va, avec la paix revenue, voir un extraordinaire développement de cette région, véritable exemple international de créativité et productivité.

Il est bien naturel que la plus grande majorité de cette population ait de fortes convictions européennes. Il y a eu tellement de sueur et de sang dans ces collines et ces vallées, trop nombreux sont ceux qui ont dû quitter le pays de leurs ancêtres, leurs terres et leurs maisons pour que le prix payé, jamais, ne puisse être oublié.

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